Je ne te verrai plus mon brave Saint Joseph,
Que personne ne voit dans l'ombre de la nef .
Pendant ces trois années, je levais vers Jésus
Mes regards, mes prières . Ce jour ne n'en peux plus .
L'enfant Dieu, devant toi, lève sa main au ciel,
Bénit ces doux cantiques qui volent éternels .
Mes chants, comme un encens, comme au fonds de l'étable
Quand les mages, à tes pieds, d'un geste mémorable,
Déposèrent avec l'or, et la myrrhe, leur foi,
Monte vers toi ce soir en doux rayons de soie .
Ce ne sont pas les trônes, et les grands reliquaires
Ornés de pierreries, ni dans le sanctuaire,
L'autel au reflet bleu, les tapis, et les croix,
Qui me feront défaut, ni les tables et ses lois,
Ni les prédicateurs, ni leurs discours hautains,
Leurs étoles brodées, leurs chasubles en satin .
Mais il me manquera cette douce lumière
Tissée d'ombres et de feu, qui mène à la prière .
Il me manquera, sombres et retirées
Les voix, les pèlerins, cachés, au teint ciré .
Non, je n'entendrai plus, récités en secret,
Les chapelets, timides, ces murmures discrets,
Qui en-bas, dans les cryptes, derrière un vieux pilier
Egrènent pour Marie, ces mots, fleurs par milliers .
Je ne reverrai plus hélas ces saintes femmes
Priant jour après jour, aux intentions des âmes
De ceux qui sont perdus dans ce monde en détresse .
De ceux qui dans la rue espèrent la tendresse .
O, brave Saint Joseph, exauce leurs prières,
Accorde leurs la paix que creusent encor ces pierres .
Donne aux prêtres, une chair, un sourire, et un cœur
Ote de leur regard, cette obscurante peur
Qui fait d'eux des prélats et non des serviteurs .
Oui brave Saint Joseph, met en eux la chaleur,
Ce grand foyer d'amour afin qu'ils soient meilleurs .
Et puis à ceux qui crient, et me poussent dehors,
Donne leur la douceur sans nul autre remord .
Qu'ils continuent de chanter la gloire de Victor,
De Cassien, Magdeleine, et des gardiens du fort .
Moi, je n'en puis plus . Je suis exténué .
Un jour, il m'en souvient, quand montaient les nuées,
Quand le nuit enveloppait encore toute la terre
J'ai cru trouver la paix et j'ai trouvé la guerre .
Je croyait que l'amour n'était pas un vain mot
Je croyais que tous ceux qui en parlaient tout haut,
Qui font trembler les murs de leurs paroles claires
Ne se contentaient pas de lire leur bréviaire,
Mais, vivaient de leur Dieu ce doux commandement
Que l'Eglise proclame et qui défie le temps :
'' Aimez-vous donc les uns les autres '' disait-il !
'' venez à moi vous qui pleurez '' ajoutait-il …
O, Saint Joseph, où est passé le doux visage
Du Seigneur, dont ces hommes en oublient le langage .
Ces hommes n'ont de Dieu que l'habit et le nom .
Ils oublient d'Urbain V, leur pape d'Avignon
La ferveur, le sourire, sa vie pour l'Evangile .
Sa fermeté de cœur, sa douceur juvénile .
Faut-il leur rappeler le sens du mot aimer,
Pour qu'ils puissent un jour qui sait, le consommer,
Sans arrières pensées, et voguer vers la rive
De ce port délicieux où les âmes captives,
Trouvent enfin la joie et la félicité,
Qui ressemblent à Dieu, à son éternité .
Aimer ne permet pas à l'autre de penser .
Aimer est comme un feu que nul peut maîtriser .
Aimer chauffe le cœur d'une saveur intense,
Brûle toutes les fautes , purifie, prend patience .
Aimer donne des ailes à qui ne peut voler,
Bâtit des cathédrales, des tours, des mausolées .
Aimer sait se cacher, s'effacer et attendre .
Il connaît son ami . Ainsi il peut comprendre
L'amertume, l'aigreur, les fautes, la souffrance,
Les tourments de ses nuits, ses rêves de violence .
Oui, aimer se suffit du reflet des étoiles
Qui brille dans les yeux de celui qui se voile .
Aimer n'a jamais peur de se perdre en chemin
Car il fait confiance à qui lui prend la main,
Pour partir dans les astres, dans le sillage bleu
De ces longues comètes, qui fusent dans les cieux .
Alors il est heureux l'amour, il crie sa joie
Il chante sus les mers, et sus le bord des toits .
Tel l'oiseau, il se pose, quelque peu maladroit,
Lance ces notes aiguës, célestes résonances,
Et meuble ainsi l'azur de sublimes romances .
Ne vous y fiez pas : si l'amour est ce fou
Qui ne sait pas compter, aveugle, un brin voyou,
S'il peut tout pardonner, toujours recommencer
Ce que l'autre détruit, souvent sans faire exprès,
Un jour il peut comprendre, qu'il est ce mal-aimé,
Celui qu'il faut tuer, piétiner, lapider .
Alors dans un regard qu'il tourne vers son maître,
A genou sous la croix, enchaîné comme un traître,
Il accepte la mort, se laisse assassiner .
Pour l'amour de celui qui l'avait fasciné .
Je n'oublierai jamais le livre des cantiques
Qu'une nuit Il me lut, allongé, romantique .
Je n'oublierai non plus, ce jour du deux Avril
Quand Il me révéla le lieu de son exil .
Je L'aimerai toujours mais ce soir de mon cœur,
Comme un bouquet de fleurs dépourvu de senteurs ,
S'échappent les saveurs de mon bouquet de roses,
Car la porte est fermée, et sa fenêtre est close .
Qu'importe que je ne soit seulement la poussière
Emportée par les vent dans un peu de lumière .
Je ne Le verrai plus, fil d'or tissé de soie …
Mais l'ange vient du ciel et me parle d’un Roi …
Soudain je crie, je cours, je Lui parle d'amour .
Je Le retrouve enfin, mon Ami pour toujours .
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