Des fils d'or et d'argent ont tissé en secret
Un manteau de brocard tourmenté de reflets.
Les plis brodés de soie, encombrés de saphirs,
Etalaient des trésors aux rayons de porphyre.
Pourtant ce tabernacle où il ne manquait rien,
Où les pierres précieuses enchâssées dans l'airain
Etincelaient de vie, de lumière et d'amour,
S'est brisé sous le poids de l'habit de velours.
Heureusement pour moi le souvenir demeure,
Il faut qu'il vive encor, que jamais il ne meure.
Dusse-je ramasser épars dans la poussière
Ces quelques fils d'argent qui aiment la lumière.
Dusse-je encor chercher ces rayons de soleil
Durant bien des années, trames d'or et vermeil,
Que mon cœur non jamais ne pourra retrouver,
Un costume, un royaume, un relief si parfait.
Si j'avais le pouvoir de refaire le temps,
Seigneur qu'il s'arrêtât au bord de ce torrent,
Le soir où nous étions assis sous les étoiles,
Emerveillés du ciel, où nos regards sans voiles,
Fouillaient les galaxies, attrapaient l'infini,
Saluaient tendrement la lune qui sourit.
Nous partions retrouver la naissance du temps,
Nos yeux coulaient de larmes, brûlés par le néant
Dont nous pouvions atteindre les plus lointains espaces
Et courir sur les bords d'un univers de glace.
Oh oui nous avons vu nos âmes s'envoler,
Parcourir les chemins d'un peu d'éternité.
Aux pieds de Notre-dame, pèlerins du Carmel,
Nous avons chanté, troublés, devant l'Autel.
Enveloppés de nuit, nous nous sommes serrés,
Et comme des agneaux aux pieds de leur berger,
Nous fûmes pénétrés d'une chaleur intense
Et nos corps innocents brûlant de joie, immenses,
Tombèrent dans l'extase en accord enivrant,
Et consumés d'Amour, nous devenions enfant.
Nous regardions au loin les étoiles brillantes
Qu'on voulût dans la nuit qu'elles fussent filantes.
Pourquoi ai-je parlé quand je devais me taire.
J'aurais du m'isoler, là où plus rien n'éclaire.
Là je n'aurais pas reçu ces mots d'un ton amer,
Qui ont brisé mon cœur comme on croise le fer.
Alors je me suis tu, j'ai souffert en silence.
Mes yeux se sont ridés pour contenir l'offense.
Puis les larmes ont jailli comme dans mon enfance.
J'étais désespéré, meurtri et sans défense.
Que ne suis-je allé ce soir dans la forêt,
Assis sur un rocher jouer du galoubet.
Que ne suis-je allé ce soir dans la forêt,
Prier agenouillé au son du Chapelet.
Alors je suis parti laver dans la rivière
Ce coup tuméfié qui me jeta à terre.
Quand je suis revenu, je vous entendais rire,
Couché derrière vous, là, je craignais le pire.
J'aurais voulu mourir, fondre dans la nuit noire,
Je voulais oublier, en perdre la mémoire.
Mais ces mots, toujours, qui déchiraient mon cœur,
Ne cessaient de hurler mon mal-vivre et ma peur,
Tonnaient dans les vallées en sons incandescents,
Crachaient tel un volcan son feu dans un torrent
Qui brûlait en riant les fibres de mon âme,
Lançant dans le ciel gris, de gigantesques flammes.
Pourtant je suis resté, tapi dans la pénombre.
J'attendais, assis, crispé parmi les ombres
Que tes yeux doux et clairs vinssent chercher les miens,
Que tes mains qui tremblaient, apaissent encor ma faim.
Je voulus que d'un bond, nos corps fussent mêlés,
Je voulais ne rien dire sinon te pardonner...
Je voudrais, Oh mon Dieu, retourner en montagne,
Porter encor son sac, même jusqu'en Espagne.
Je chargerais son bât, porterais sur mon dos
Des charges de mulets, sans gémir, sans un mot.
Je pendrais au devant un autre encor plus lourd,
Tissé de fils d'argent, de fils d'or, de velours.
Et je boiterais rompu à ne pouvoir descendre,
Mes bras s’en souviendraient de ces chemins de cendres.
Mais la page est tournée… Le livre s'est fermé.
A jamais sur mon cœur, une fleur s'est fanée.
J'irai donc seul là-haut pour demander pardon,
A genou dans les prés sur le foin qui sent bon…
J'entonnerai tremblant le miroir aux oiseaux
Dans le soir, dans mes pleurs, en écoutant l'écho,
Je chercherai tes mains, ton cœur que je n'ai plus,
Je chercherai tes yeux qu'un jour, m'ont tant déçu.
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